Autisme & art: mauvaises représentations et paresses scénaristiques – le cas de Music par Sia-

Tw validisme, violence 

Le premier film de la chanteuse SIA fait polémique. « C’est une lettre d’amour aux aidant et à la communauté autistique » dit Sia, mais la réception du trailer fut mouvementée. Beaucoup de personnes autistes ont critiquées le fait que l’actrice Maddie Ziegler ne soit pas autiste et jouait en caricaturant, Sia a répondu par des tweets parfois insultant envers les personnes autistes ce qui à empiré la situation. Elle prouva au passage qu’elle ne connaissait pas le sujet, malgré les bonnes intentions, au moins 3 années de recherches, et 16 millions de dollars dépensés.

Depuis, le film est sorti, je l’ai regardé aussi, et c’est pire que ce qu’on pensait, il montre des violences manifestes envers le personnage autiste. La communauté s’est mobilisée mais la plupart des spectateurs ne l’entendent pas, le film est même nominé au Golden Globes.

Ce film n’est pas une exception, c’est un problème récurrent. Revenons sur ces problèmes de représentations et de stigmatisations, avec comme illustration le film de Sia.

Nos vécus confisqués et utilisés

L’enfer est pavé de bonnes intentions, et les gens qui veulent raconter le vécu des personnes en situation de handicap en ont beaucoup, mais ça ne suffit pas à faire une œuvre correcte ou réaliste. Nos vécus sont mal racontés, et utilisés à des fins scénaristiques.

 De Music à Atypical, l’auteur, souvent un proche, partage son point de vue et se focalise souvent instinctivement sur ce qu’il connaît: le développement des personnages non autistes, leurs personnalités et leurs histoires. Alors que pour connaître l’autisme ou le handicap, il faut être dans une démarche active, et aussi tomber sur les bons interlocuteurs. La conséquence, des personnages autistes souvent réduits à l’autisme, et seulement d’un point de vue extérieur. On ne verra pas les fonctionnements internes que souvent les non-autistes ne soupçonnent même pas, mais on verra le résultat extérieur (meltdown) et les interactions avec les proches, ces deux aspects étant souvent utilisés pour enrichir l’histoire des personnages non autistes.

C’est aussi ce qui est reproché à Sia, elle n’a pas les bases sur l’autisme, mais se permet de prendre part à la représentation des personnes autistes, déjà pauvre et caricaturale. Tout en disant partout que c’est un film pour aider, pour l’insertion, et elle se fait acclamer pour ça. Quand elle s’est justifiée, elle a dit que ce n’était pas un documentaire, mais un film artistique. Mais nos vies ne sont pas là pour divertir les autres, et la représentation impact sur nos vécus et le comportement des autres au quotidien.

Sia (music) veux aider et promouvoir les personnes autistes, mais ne veux pas bien les représenter.
Sia n’a cessé de clamer que c’est une « déclaration d’amour » et à parler de ses recherches, de son perfectionnisme, et de ses bonnes intentions, la déception n’en fut que plus grande.

Ce n’est pas juste un problème de minorité, comme si une brune se faisait teindre en blonde. Il faut prendre en compte la stigmatisation et les discriminations. Par exemple, nous avons connu une période ou les hommes jouait les femmes, et ou les blancs se grimait pour jouer d’autres minorités. A chaque époques beaucoup ne voyait pas le problème, pourtant ce n’est pas correcte pour autant. Les privant dans les deux cas de leur histoires et de leur représentations, en donnant dans le cliché. A ce jour, dans le monde artistique, la question de la diversité est un probleme, et ca le sera pour toutes les minorités tant que ca sera stigmatisant, mal écrit et mal joué.

 C’est déshumanisant et stigmatisant, encore faut-il le voir.

Dans la plupart des films, les personnages en situations de handicap ne font pas grand chose.

Comme dans la vraie vie, de la pitié ou des émotions peuvent surgir dès qu’on mentionne seulement le handicap. Il suffit qu’une personne handicapé vivent des choses communes comme être heureux, être en couple, chanter, danser, ou juste exister, et c’est «inspirant ». Quand un autre personnage agit normalement avec la personne handicapée, comme il le ferait avec une personne valide avec un minimum de respect ou  de neutralité, c’est considéré comme émouvant. Ces “bonnes intentions” et cette émotion c’est comme si nos vies n’étaient pas égales, et que nous n’étions pas destiné à être heureux, et qu’y arriver est une surprise. 

Du fait de l’émotion que génère le handicap, ce sont des ressorts scénaristiques efficaces, ils sont des événements qui viennent bouleverser la vie des proches, qui doivent être résolus et qui finissent par les faire grandir. Parfait pour faire avancer l’intrigue et les personnages, pas besoin de creuser. En dehors des intrigue que crée le handicap, le personnage handicapé à une présence minimale.

 Le personnage de Music illustre parfaitement ce problème. Il est pauvre au niveau scénaristique, il n’existe pas vraiment, ne fait pas grand chose, fait beaucoup partie des meubles à rester en arrière plan à sourire et à se balancer et parfois il fait des meltdown. Ces moments de tensions sont une intrigue dans l’histoire du personnage de Zu, la soeur, mais pas tant que ça pour Music (j’y reviendrais).  Sia l’a dit sur twitter, Music est « de bas niveau »*, mais quand bien même elle aurait des difficultés cognitives, ou à comprendre,  elle n’en ressent pas moins, on a vu des personnages d’enfants de 5 ans avoir un développement scénaristique plus intéressant et plus riche. 

*les distinctions de niveaux ne sont plus utilisées car stigmatisantes, et fausses. On parle plutôt en termes de besoin d’accompagnement.

Une représentation de l’autisme erroné et incohérente

Souvent l’autisme est représenté comme  une succession de problèmes, là non, c’est même trop édulcoré, mielleux et infantilisé.

Tous les matins Music se lève, s’habille et se brosse les dent seule, rapidement, sans problème, Elle a de l’aide pour la cuisine, puis elle est lâché dans la nature, en toute autonomie elle va seul à la bibliothèque, sans problème, en croisant des gens, sans anxiété, sans encombre. Un réveil des plus fluide.. et improbable! Même pour une enfant de 14/15 ans sans handicap c’est idéalisé. On nous dit que Music ne peut pas être joué par une personne autiste « à cause du niveau cognitif du personnage », je ne comprend pas.

On montre qu’elle est en situation de handicap via du visuel, elle est non oralisante (mais elle répète des mots en fait) et fait des expressions faciales. A l’inverse, le travail n’a pas été fait au niveau du scénario ou du personnage pour montrer le vécu autistique, le quotidien, les pensées, ni les besoins.

Ni problèmes de sommeil, de réveil, de rituel, de coordination (pour s’habiller), de sensibilité (pour se brosser les dents), et beaucoup d’autres situations fréquentes demandant une aide.

Elle est aidée pour le repas et la coiffure, a une routine (que le matin!?), a son casque car elle est sensible au bruit et a un appareil pour communiquer, et ensuite ses proches aident (mal) à gérer les meltdown fréquent (quand elle ne vas pas bien), mais ça dure 5 secondes! C’est tout. Elle à très peu d’aide ou de supervision. Alors qu’a minima, elle devrait être plus accompagné, sa famille aurait dû avoir une aide financière et peut être humaine, ou des consultations, par exemple pour aider à communiquer autrement, utiliser des outils, avoir une aide adaptée. Ce ne sont pas des taches qu’on confie à son voisin. Surtout que sa tutrice et aidante est décédée, on ne confie pas la garde d’un enfant à n’importe qui, encore moins en situation de handicap.

Les rituels sont illustrés pour le petit déj, utile pour introduire une scène de meltdown, mais sinon les changements ne la perturbe pas, quand sa sœur arrive, que ses itinéraires changent, ou que sa grand-mère n’est plus là. On se demande si les quelques difficultés ne sont là que pour servir le scénario, ça doit être ça « avoir une vision artistique” de l’autisme.

C’est très incohérent, simplifié à l’extrême.

Une ignorance qui banalise les violences.

Entre deux moments idéalisés, elle fait des meltdowns. Ils sont quand même très présents, ce sont de bons outils scénaristiques, pour les proches ce sont des épreuves à surmonter. Pour Music, c’est une souffrance ponctuelle de 5 seconde, sans conséquences

Par exemple, quand Music a une surcharge sensorielle, sa sœur se jette et s’allonge sur elle, comme par magie elle se calme. C’est un moment d’apprentissage, et qui servira pour lier les deux personnages non autistes. Music reprend sa vie comme si rien ne s’était passé.

 En réalité c’est usant émotionnellement et physiquement. Mais plus grave, cette technique (prone restraint) montré comme une solution, rapide, efficace est dangereuse, car mortelle! C’est aussi peu efficace, si la personne paraît calme c’est plus de la résignation mentale. Les personnes qui apprécient une pression forte et équilibrée ont tellement d’autres solutions!!

Pour gérer les surcharges sensorielles, il y a des solutions à connaitre absolument. Comme l’éloigner des bruits et des gens, source de la surcharge, libérer ses mains des objets  (pour ne pas les laisser tomber, les jeter, ou se faire mal avec), lui donner de quoi se calmer (objets, odeurs, des choses lestées pour la pression), tant de choses à faire.

Ces scènes normalisent ces violences, et induisent en erreur, au lieu de donner des conseils utiles. Sia s’est excusé, à promis d’enlever les scénes, mais si on les enleve, on perd l’intrigue pour la sœur, et Music n’a plus de difficultés visible en dehors du fait de ne pas parler, ce qui ne semble même pas être un problème, même si elle n’a pas de méthode de communication alternative. **Attention image pouvant être violentes** je vous conseille de couper le son si vous êtes sensible aux stimulis, j’ai mis pas mal d’annotations.

J’ai essayé de mettre les deux passages avec les meltdown en deux minutes. Juste pour ceux qui auraient besoin de comprendre de quoi on parle, et ca montre comment c’est utilisé dans la narration des personnages non autistes.

La représentation de la personne autiste? le néant

Maddie Ziggler n’avais que 14 ans, les reproches vont surtout vers Sia, pour n’avoir pas pu guider son actrice

Sa personnalité, ses envies, ses émotions? On sait qu’elle aime les chiens, sinon son univers personnel et les passages chantés sont simplifiés à l’extrême, très enfantin et joyeux. Mais difficile de savoir si c’est un trait de personnalité, ou la vision qu’a SIA de l’autisme, à moins que l’autisme soit sa personnalité.. Elle ne fait que rêver et de temps en temps elle va mal, et ça ne semble même pas l’affecter. En gros elle ressent à peu près une émotion et demi, on dirait un vieux clichés. Elle est autiste, c’est toute sa personnalité. C’est très infantilisant et déshumanisant comme représentation.

Une jeu d’acteur caricaturale et stigmatisant

Entrons dans la polémique, le problème de l’acteur-rice pas handicapé-e.

On a pu lire “On critique le fait que l’actrice n’est pas autiste”, ou “il n’y a pas eu de critique avec Rain Man”. Partiellement faux, et faux.

Tous les films avec des personnages en situation de handicap sont critiqués quand l’acteur est valide, c’est le « cripping up », « rendre handicapé »  de façon caricaturale. Sauf que les valides n’entendent pas les revendications.

Rainman date de 30 ans, à cette époque les personnes handicapées sortaient à peine des institutions, et n’existait pas du tout dans les médias, mais c’était caricatural, et il y a eu des critiques.

La différence c’est que cette fois les médias ont surfé sur la polémique, en gros « des autistes râlent et veulent une actrice autiste », sans expliquer pourquoi.

 Pour “Music”, des le trailer le jeu d’actrice m’a mis mal à l’aise car il ressemble a des moqueries, mais Sia nous a dit « regardez le film avant de juger », et effectivement c’est pire!

L’actrice avait exprimé ses réticences, elle ne voulait pas qu’on croit qu’elle se moque, Sia l’a rassuré, mais  Maddie Ziegler avait raison! Il faut savoir qu’elle avait 14 ans, les reproches ne lui sont pas adressés. C’est aux adultes qui l’entourent de la protéger, et de la guider dans son jeu d’acteur.

Elle a grimacé et imité l’autisme comme elle le comprenait. Elle a une unique expression en dehors des meltdown, c’est forcé, trop réfléchi. Ça ressemble à une chorégraphie, comme des gestes incontrôlés avec des bruits, des tics, un balancement qui reviennent en rythme mais ça ne semble lié à aucune émotion ou contexte.

Comparaison entre l'ecriture d'un personnage non autiste, et un personnage autiste, beaucoup plus creux et clichés.

Comme tout le monde, les gestes ou expressions sont liés à ce qui se passe à l’intérieur. L’acteur est censé nous retransmettre tout ça, mais les non autistes n’ont pas le mode d’emploi, ils ne savent pas comment les choses sont perçus, ni traité, ni ce que ca provoque de positif ou de négatif comme pensées ou émotions, ni comment c’est exprimé ensuite. Ils ne voient que des gestes et des grimaces, qu’ils s’efforcent de copier sans rien exprimer. Mais encore faut-il donner des choses à vivre à son personnage pour qu’il ai des choses à raconter. Sans doute la vacuité scénaristique accentue l’impression d’avoir un personnage creux et une façade qui s’agite et fait la grimace constamment, ca en deviens plat.

Alors que l’autisme est invisible, il peut se manifester à travers des stim, des tics, une démarche ou un regard fuyant, mais tout le monde ne cumule pas tout ça d’un coup, et il y a des expressions et geste plus facilement reproductible pour une actrice débutante et moins risqué, au lieu de tout accumulé grossièrement

Sia (pour son film music) voulait trés précisemment une actrice autiste non vebale, puis a décidé de prendre une personne non autiste et même pas actrice.
La 1ere excuse pour ne pas avoir pris d’actrice autiste, vu que le role était très spécifique, il fallait une personne avec les même difficultés que le personnage. Finalement, au lieu d’élargir les critéres, Sia à avoué qu’elle voulait absolument Maddie Ziggler, sa muse.

 Vu qu’il n’y a littéralement aucun jeu d’acteur, en dehors de mimer l’autisme et simuler les meltdown, une personne autiste aurait pu jouer le rôle. Il aurait fallu supprimer les scènes d’écrasement qui ne devraient pas exister, et simplifier les chorégraphies. Pour un film qui prône l’inclusion, des aménagements auraient pu être faits. Au minimum 3 ans de recherche et du « perfectionnisme » pour ce résultat, c’est une honte.

La représentation : un échec 

Sia disait que les personnes différentes seraient représentées, oui mais.. en dehors du second perso principal, issue de l’immigration ayant vécu des malheurs mais où ça va encore, peu de bonne représentations.

Il y a un autre personnages « différent » mais une fois qu’on s’identifie on doit vivre avec lui souffrances et traumatismes. Spoiler:

il est maltraité et à la fin il meurt

On mentionne un autre enfant autiste? il est mort, mais c’est rien, c’était juste pour faire avancer l’histoire, suivit d’une blague et d’un flirt.

Beaucoup ne verront pas la déshumanisation et la violence, parce que cette représentation  correspond à ce qu’il connaissent, ou s’imagine de l’autisme. 

Ceux qui n’ont pas besoin de représentation y verront une polémique stérile. Ils ont beaucoup de personnages auxquels s’identifier ailleurs, et dans ce film l’histoire et la personnalité du personnage  principal, la sœur de Music est très bien développé.

Une violence dénoncé, mais personne n’écoute

 Sia dit vouloir faire une film sur l’autisme et y avoir passé 5 ans, mais il n’y a pas une trace de réalisme. Cette volonté de passer un message d’inclusion est un échec, et j’ai essayé de résumé chaque point, tant il y a à dire.

Music, c’est l’histoire d’une femme qui change de vie en s’appuyant sur les minorités, si difficiles et inspirantes, qui l’entourent. Personnellement je n’ai pas trouvé le film et son histoire intéressante, je ne suis pas sensible aux dramas sur le handicap, et l’histoire d’amour est mal amené, le drame des autres ne sert qu’a flirter, tout est fait pour faire pleurer sans se fatiguer. Mais ca fonctionne, en retombant encore dans la vision du handicap inspirante et positive, elle à trouvé un public. Sûrement ceux qui l’ont nommé au Golden Globes.

Au final ce film est un cas d’école dans bien des domaines, il aura lancé des discussions. Si il y a un point pour commencer: accepter qu’une “bonne personne” ayant autant de bonnes intentions, aussi positive et attentionnée que Sia puisse avoir des idées et des oeuvres stigmatisantes et violentes, c’est son ignorance qui fait du mal. Il faut accepter que tout le monde, vu les méconnaissances liées au handicap, peut faire du mal avec les meilleures volontés du monde. Cette discussion permettrait de pouvoir éduquer sur le sujet, et ainsi éviter des violences volontaires qui pourraient être évitées!

Ceux qui voudront vraiment s’intéresser à l’autisme dans ce film, demandez vous ce que vous avez appris de Music, de l’autisme aussi. Surement pas autant que sur sa sœur ou sur son business de drogue.. Comme quoi l’intention ne suffit pas pour bien faire.

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